Son parcours d’artiste
Lucien Simon n’était pas prédisposé par son milieu familial à une carrière d’artiste. Son père, docteur en médecine, d’esprit scientifique et philosophique, sa mère issue d’une famille de commerçants et de juristes n’ont cependant pas fait obstacle à son orientation précoce vers l’art et la littérature. C’est assez tardivement, à l’époque de son service militaire, qu’il se tourna résolument vers le dessin et la peinture.
Un apprentissage marqué par la découverte d’œuvres et d’artistes
À l’académie Julian, récemment créée, il reçut des leçons utiles de maîtres tels que Tony Robert-Fleury. Il eut surtout la chance d’y rencontrer des camarades parmi lesquels plusieurs, issus de milieux intellectuels, devinrent de vrais amis qui l’encouragèrent à poursuivre dans cette carrière de peintre. Ils l’introduisirent dans des cercles d’écrivains et d’artistes où Lucien Simon trouva ce qui lui manquait.
Un autre élément, le plus important peut-être, de sa formation a été le contact avec les grands maîtres anciens, au musée du Louvre notamment. Au cours d’un voyage qu’il eut l’occasion de faire aux Pays-Bas, il a été profondément marqué par les œuvres de Franz Hals qui ont beaucoup influencé sa conception de la peinture. Ultérieurement, la découverte et l’analyse des œuvres de peintres tels que Vélasquez, Ghirlandaio et Delacroix ont eu une influence certaine. Mais lui-même se considérait comme un autodidacte ayant beaucoup regardé, beaucoup douté et beaucoup travaillé.
1880 – 1890, des débuts en lien étroit de compagnonnage artistique avec d’autres peintres
Comme il était d’usage à l’époque, il commença par présenter ses premières toiles au Salon des artistes français, sans grand succès auprès de la critique ou du public. Tenté par le découragement, il persévéra cependant. Son effort se porta d’abord surtout vers la figure humaine, portraits ou groupes.
En 1890, un groupe de jeunes peintres, lassés de l’autoritarisme académique du Salon traditionnel des artistes français, firent sécession et, sous la conduite de maîtres tels Rodin, Puvis de Chavannes, créèrent la Société nationale des Beaux-Arts qui institua un nouveau Salon, plus ouvert aux conceptions nouvelles. La plupart des amis de Lucien Simon s’y rallièrent, tels que Prinet, Aman-Jean, Dinet, Jacques-Émile Blanche et quelques autres. Lucien Simon les rejoignit bientôt et dans cet environnement plus favorable conquit très rapidement la faveur de nombreux critiques d’art et d’amateurs. L’État lui acheta pour la première fois en 1893 une toile intitulée Fin de séance. Dès lors sa carrière était lancée et les années suivantes l’intérêt du public comme des institutions ne fit que grandir en France et à l’étranger.
1890-1900, un succès qui ne se démentira pas au long de sa carrière
Le mariage de Lucien Simon avec Jeanne Dauchez, en 1890, elle-même peintre de talent et sa découverte de la Bretagne vont marquer un tournant dans sa carrière. La vie de famille sera une nouvelle source d’inspiration pour lui et le sujet de nombreux tableaux (Dîner à Kergaït, La causerie du soir, Madame L. Simon et ses enfants) même dans des scènes allégoriques (La musique, La peinture) où ce sont des membres de la famille qui sont représentés.
L’implantation familiale dans le Finistère en 1893, surtout à partir du moment où Lucien et Jeanne Simon achètent à Sainte-Marine un sémaphore désaffecté, va permettre au peintre de découvrir la Bretagne (et singulièrement le pays bigouden peu connu jusque-là) et ses habitants dans leurs attitudes et leurs costumes si particuliers. Une grande partie de son œuvre y trouvera son inspiration.
Sa réputation se confirme, associée au groupe appelé « Bande noire » par la critique, sans doute par opposition aux claires toiles impressionnistes, où l’on retrouve avec Charles Cottet une grande partie de ses camarades de jeunesse tels Ménard, Prinet, André Dauchez, tandis que d’autres auxquels il reste très lié développent des orientations différentes (Aman-Jean, Desvallières, Maurice Denis, par exemple).
L’exposition décennale d’art de l’Exposition universelle de Paris en 1900 apporte une consécration officielle à sa carrière. Il y obtient la médaille d’or et est nommé chevalier de la Légion d’honneur, tandis que l’État achète pour le musée du Luxembourg la Procession à Penmarc’h et Coup de vent.
1900-1924, une notoriété qui se confirme avec une grande production artistique
Les premières années du xxe siècle, jusqu’à la guerre de 1914-1918 voient la confirmation de la place de premier plan de Lucien Simon que l’on associe souvent à son ami Cottet. Mais tandis que celui-ci continue à évoquer dans des toiles sévères la dure condition de vie des pêcheurs bretons, Simon se plaît à peindre les foules des pardons et des bals populaires avec une palette de plus en plus colorée. De nombreux amateurs recherchent ses toiles exposées non seulement dans les grands Salons français ou étrangers mais aussi dans de nombreuses galeries lors d’expositions personnelles ou collectives.
Puissant dessinateur, il parcourt la Bretagne un carnet de croquis à la main, notant une silhouette, une attitude, une sortie de messe, des marins sur un quai ou une paysanne remuant des gerbes. Il transpose ses dessins sur des esquisses et travaille ses compositions sur des toiles de formats différents, jusqu’à l’œuvre définitive, avec une étonnante virtuosité.
Sa famille est également pour lui une source d’inspiration, qu’il s’agisse des portraits de sa femme, de ses enfants ou petits-enfants, dans des scènes de jeux ou de déguisements.