SCULPTEUR, GRAVEUR, PEINTRE, IL EST LE FILS DE LUCIEN SIMON

Par Isabelle de Robiano et Béatrice Boyer

Paul Simon, de nature réservée et sensible est doué. Immergé dès l’enfance dans cette atmosphère artistique familiale, il est tout naturellement au contact d’artistes, amis de son père. André Dauchez, Ménard, Jaques Émile Blanche, George Desvallières, Aman-Jean, les frères Saglio, artistes de différentes disciplines, ils initièrent le jeune Paul très tôt à la gravure, à la peinture, au dessin, à la décoration et surtout à la sculpture. Il n’est pas inintéressant de remarquer que Rodin figure parmi les artistes avec lesquels Lucien Simon échange des idées et des œuvres, quand on sait que Paul, son fils, deviendra l’élève du sculpteur Antoine Bourdelle, lui-même praticien chez Rodin.

Buste Lucien Simon par Paul Simon

Paul Simon
Buste de Lucien Simon
Artiste-peintre et père du sculpteur


Ce bronze a été offert au musée des Beaux-Arts de Quimper par Madame Corinne Simon, la fille de Paul, le 12 juin 2006.

Après quelques faibles velléités de chercher sa propre voie dans d’autres champs d’activités, en médecine ou dans la marine, Paul eut le désir de s’orienter vers l’architecture. Mais au vu du talent et de la sensibilité de Paul, l’architecte Leprince-Ringuet, enseignant aux Beaux-Arts l’orientera opportunément vers de la sculpture à intégrer à de l’architecture. Ainsi, après avoir réalisé quelques bas-reliefs et sculptures monumentales pour divers architectes, Paul Simon s’épanouira dans la sculpture. Touchant diverses techniques avec une riche production en terre, pierre, bronze, céramique, Paul Simon s’attachera tout particulièrement à travailler d’après des animaux, réalisant nombres de dessins, gravures ou aquarelles gouachées sur le sujet. Paul Simon rejoint ainsi dans le registre des sculpteurs animaliers ses aînés Louis-Antoine Barye, Rembrandt Bugatti comme François Pompon. Avec ses contemporains, les sculpteurs Maurice Prost, son ami Édouard-Marcel Sandoz et d’autres, il participe au renouveau de cette tendance vers l’art animalier qui verra de nombreux artistes s’y exprimer après la Première Guerre mondiale. Une des sculptures de Paul Simon trouve naturellement sa place dans une très belle et riche exposition retraçant actuellement (2012) ce courant animalier des années trente et ses expressions plus récentes avec des sculptures de Giacometti, de Picasso, au musée des Années Trente de la ville de Boulogne Billancourt.

Avant 1913 : Atmosphère familiale propice à une éducation artistique presque naturelle

Extrait d’un article de Germaine Aziz, page Arts de Libération, le 8 mars 1991, à l’occasion d’un commentaire sur une exposition qui lui est consacrée, « Bestaire », à la Fondation Dosne–Thiers, à Paris.

« Né en 1992, de Lucien Simon, professeur aux Beaux-Arts et de Jeanne Dauchez, remarquable aquarelliste, il baigne dès son enfance dans une effervescence quotidienne qui lui trace sa voie… »

Extrait d’un texte de sa fille Corinne Simon à l’occasion d’une exposition qui lui était dédiée en 1995, intitulée « Tendre Bestiaire de Paul Simon » au musée de Brunoy.

« Au cœur de la maison familiale, construite pour Lucien Simon en 1906 par l’architecte Süe, se trouvait l’atelier de Lucien Simon. Un lieu mythique pour un jeune garçon de 14 ans qui découvrait Venise, Florence, la Hollande, l’Algérie, le Maroc, au travers des grandes toiles de son père, et vivait en compagnie d’arlequins, de bigoudens, de spahis et d’arabes, de nus et de portraits divers sur tous les murs »

À l’origine, une atmosphère familiale artistique entoure le jeune homme, doué et réservé.

Fils aîné de Lucien et de Jeanne Simon, Paul Simon, talentueux lui-même, a toujours baigné dans cette atmosphère artistique. Immergé dès l’enfance dans ce cadre familial tourné vers les arts et les lettres, Paul Simon reçut très tôt les enseignements des différents Arts. Les rudiments du dessin et la maîtrise de la peinture lui furent enseignés par son père Lucien Simon ; les techniques de l’aquarelle qu’il a beaucoup pratiquée en observant les animaux lui furent donnés par sa mère Jeanne Dauchez ; enfin les techniques de la gravure lui ont été prodiguées par son oncle André Dauchez, peintre-graveur-photographe et frère de Jeanne Dauchez. Il reçoit aussi un temps les conseils des amis artistes de Lucien Simon. Ces artistes de l’environnement de son père lui sont des interlocuteurs familiers : Cottet, Jacques Émile Blanche, Ménard, Rodin…, parfois même, plus tard, des partenaires comme George Desvallières pour une commande. Certains deviendront ses modèles comme Aman-Jean dont il fera un superbe buste (1933).

Formation familiale à travers les lumières bretonnes et des voyages

Passant de longs moments en Bretagne avec sa famille, Il écrit lui-même en 1920 : J’ai du mal à m’arracher de ce beau pays, vide maintenant d’étrangers, si calme avec sa teinte d’automne. Après une série de pluies et tempêtes le soleil brille et c’est un ravissement », Lettre à sa sœur Lucienne, 1920.

Quant aux voyages, très jeune, dès l’âge de 16 ans, en 1908, son père, Lucien Simon l’emmène en Algérie dans le cadre d’un voyage d’artistes peintres dont Dinet, Prinet et Ménard. «  Mon fils et moi, nous gardons l’espoir de revoir votre beau pays  » Lettre de L. Simon à M. Mesley. Puis il voyagera en Italie en 1924, à Naples et Palerme, dont il dira être émerveillé.

Puis, une formation académique classique en partie orientée vers les arts décoratifs

Paul Simon commencera par suivre des cours d’architecture à l’École des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier de Pierre-Émile Leprince-Ringuet, qui le réorientera vers la sculpture et le fera travailler par la suite pour certains de ses chantiers. Il se formera au dessin et à la peinture aux Arts décoratifs mais surtout à la sculpture à la Grande Chaumière sous la direction d’Antoine Bourdelle, atelier où il entre en 1913. Antoine Bourdelle deviendra son maître et Paul Simon se consacrera par la suite principalement à la sculpture.

1914-1918 : Rupture de la guerre, épreuve qui marquera profondément sa jeunesse

Appelé pour son service militaire en décembre 1913, il est affecté à Rouen. Après la déclaration de guerre, il est appelé et malheureusement fait prisonnier dès les premières semaines de la guerre. Il ne sera libéré qu’à la fin de l’année 1918.

Il rentre à Paris, très affecté, assez déboussolé par ces quatre années difficiles de travail physique obligatoire de prisonnier de guerre en milieu rural en Allemagne, si loin de ses préoccupations artistiques. Il en gardera toute sa vie, probablement comme nombre de jeunes gens de cette période, un pessimisme et une distance avec la société en général et avec les courants, manifestations et honneurs liés aux activités artistiques en particulier. Il mit presque deux années à reprendre ses crayons et ciseaux de sculpteur.

Renforcé par un caractère discret et un peu effacé, un sentiment de mélancolie resurgira souvent de cette dure expérience, dans sa vie comme dans ses lettres.

« J’ai conduit dernièrement Papa (Lucien Simon) à la pointe de la Torche, il en a rapporté un superbe motif de femmes en noir récoltant des pommes de terre. J’ai été m’asseoir sur la côte et j’ai pensé tristement à Cottet qui a compris en grand artiste cette mer que j’adore »

Lettre de Paul à sa sœur Lucienne, octobre 1920.

Paul Simon, profondément marqué par la guerre, se sentait en accord avec les représentations de la rude côte bretonne qu’en ont faites ses aînés, les peintres Lucien Simon et Charles Cottet.

Lucien Simon le ramassage des goémons

Lucien Simon Le Ramassage du goémon Vers 1930-1940 – Collection particulière

Charles Cottet, Marine

Charles Cottet, Marine
Extrait de l’album Artistes contemporains « Peintures de Charles Cottet », Armand Colin, Paris, 1928

1919-1928 Un début de carrière amorcé par des commandes de sculptures monumentales ou de décor, puis affirmation dans la sculpture

Des sculptures bas-reliefs à intégrer à l’architecture

Dans le domaine de l’architecture, il travaille pour les architectes Louis Süe, André Mare et Paul-Émile Huillard. Leprince-Ringuet lui donne aussi des ouvrages : 4 figures de 3mètres de haut pour le beffroi de Cambrai en 1922. Il reçoit également la commande de deux monuments aux morts. Ces œuvres de Paul Simon sont mal connues, certaines ont disparu. Cependant, on lui connaît des œuvres plus modestes mais très raffinées : un motif de fontaine et une vasque de pierre ainsi que des bas-reliefs en terre cuite et en plâtre.

Paul Simon

Bas-relief destiné à une fontaine Collection particulière © Photo Yann Torchet – Atelier Paul Simon

Bas-relief aux faisans et raisins Terre-cuite originale de P. Simon Collection particulière © Photo Yann Torchet - Atelier Paul Simon

Bas-relief aux faisans et raisins
Terre-cuite originale de P. Simon
Collection particulière
© Photo Yann Torchet – Atelier Paul Simon

buste de corinne simon par paul simon

Paul Simon – Buste de Corinne, sa fille 1929, plâtre © Photo Y. Torchet – Atelier P.Simon

Ses sculptures s’affirment indépendamment de l’architecture

De cette époque datent une quinzaine de sculptures-portraits en pierre ou en bronze, dont le buste d’André Boyer, son beau-frère, qui sera exposé au Salon de 1922.

Paul Simon participe, en effet, à différents salons artistiques. Nommé sociétaire du salon d’Automne dans la section sculpture, il expose également au Salon national des beaux-arts, au Salon des Tuileries, à la galerie Brandt.

Il épouse Elisabeth Derrien le 17-09-1926, à Loctudy. Sa fille unique, Corinne, naîtra le 04-08-1927.

paul simon dans son atelier par Brassaï

Brassaï
Paul Simon dans son atelier
Photo, 1929

1930-1950 : Maturité du sculpteur et décision de se consacrer à la sculpture animalière

Confirmation de son talent de sculpteur

Paul Simon poursuit sa carrière architecturale et officielle. Il présente au concours international de Barcelone un grand bas-relief au motif d’un Sacré-Cœur, conçu en collaboration avec George Desvallières. Il expose dans différents salons : Salon des Tuileries, Salon des beaux-arts, à l’Exposition coloniale internationale de Paris en 1931. Il reçoit le diplôme d’honneur pour sa statue « Cérès ou la Campagne » à l’Exposition de 1937, exposée un temps sur l’esplanade du Palaias de Tokyo et malheureusement impossible à localiser aujourd’hui. Il reçoit des commandes de portraits en buste, discipline dans lequel il excellera comme le montre le remarquable buste en bronze du peintre Aman-Jean, proche de la famille Simon. (La sœur de Paul, Charlotte épousa le fils du peintre Aman Jean.)

Buste du peintre Aman-Jean par Paul Simon

Paul Simon, 1933
Buste du peintre Aman-Jean
Bronze, propriété du musée du Louvres Déposé au musée d’Orsay
© Photo Yann Torchet – Atelier Paul Simon

Parallèlement, discret, Paul Simon commence à orienter sa pratique vers le sujet animalier où il s’épanouira à l’abri des secteurs institutionnels, réalisant nombre de sculptures jusqu’à des portrait d’animaux. 

Paul SImon

Paul Simon L’Orang Outan, 1947
Terre Cuite
Musée des Années Trente

Passionné de la nature et visiteur assidu du Jardin des Plantes, Paul Simon peignait des animaux depuis déjà quelques années. Son oncle entomologiste réputé, Eugène Simon, demi-frère de Lucien Simon, aiguisa probablement son vif intérêt pour les animaux. Á partir de 1929, il réalise des statuettes qui rencontrent un succès immédiat, des terres cuites, puis des bronzes d’animaux observés longuement et tendrement lors de ses visites au Jardin des Plantes.

Bestiaire de Paul Simon