Sommaire de l'article
- Pauline de La Jarrige, artiste inspirée, créatrice de vitraux
- Inspiration majeure pour Pauline : l’art sacré avec la réalisation de nombreux vitraux en Bretagne
- 1935, Vitrail de l’église paroissiale Saint Tugdual de Combrit : « les étapes de la passion du Christ »
- 1943, Grand vitrail central, derrière le maître autel de la Chapelle de la Clarté à Combrit
- En 1976 , réalisation de vitraux plus intimistes
- En 1983, entre poésie et abstraction, Pauline s’émerveille de mots et de couleurs !
- 1985, Dernier vitrail entre ciel et mer
Pauline de La Jarrige, artiste inspirée, créatrice de vitraux
Inspiration majeure pour Pauline : l’art sacré avec la réalisation de nombreux vitraux en Bretagne
L’art dans lequel Pauline excellera avec le plus de talent, de continuité et beaucoup d’amour est la création de vitraux dédiés à des églises et chapelles bretonnes. Très jeune déjà, avant son mariage, vers 25 ans, elle réalise une œuvre importante : le vitrail central de l’église Saint-Tugdual de Combrit dans cette partie de la Bretagne où elle poursuivra son œuvre cinquante années durant à la demande successive des recteurs de Combrit.
1935, Vitrail de l’église paroissiale Saint Tugdual de Combrit : « les étapes de la passion du Christ »
Son premier vitrail pour l’église paroissiale de Combrit : la maîtresse vitre de l’autel de l’église Saint-Tugdual représentant les étapes de la passion du Christ. Une œuvre magistrale et étonnante, étant donné le jeune âge de Pauline.
Le recteur lui offrira la cérémonie de son propre mariage, reconnaissant devant le travail accompli pour ce magnifique vitrail central de l’église.
1943, Grand vitrail central, derrière le maître autel de la Chapelle de la Clarté à Combrit
Après « les étapes de la passion du Christ » pour l’église de Saint-Tugdual, Pauline se consacre à nouveau à un projet pour sa commune d’adoption : le vitrail principal de la chapelle de la Clarté, à la demande du recteur l’abbé Rozuel.
Pauline a alors 35 ans. Ce vitrail révèle tout autant les qualités techniques de l’artiste que son sens du religieux, dans les symboles et l’histoire intime de Combrit, celle de Guillaume Grall, l’aveugle miraculé. Le sujet principal est une procession qui a précisément lieu à la chapelle de La Clarté et qui fait suite à l’événement survenu au fermier en 1891.
Il y a dans ce vitrail cette exigence du détail, jamais anodin, que lui ont léguée ses parents, Lucien et Jeanne, et cette volonté de transmettre une vérité authentique empreinte d’histoire, de superstition et de spiritualité.
Il y a aussi cet héritage du père qui aura tant donné vie aux costumes et aux traditions du pays bigouden, par la couleur, le relief et la mise en scène de ses tableaux.
Ce vitrail se divise en trois parties :
En bas, un groupe d’aveugles en monochrome suivi de Guillaume Grall et sa jument. Il se dirige vers la fontaine miraculeuse surplombée par un ange accueillant les âmes perdues.
Au centre et de droite à gauche, la procession tout en couleur, part de la chapelle et fait halte en priant Marie portant l’enfant. De nouveau, Grall et sa jument blanche y sont représentés. Dans le groupe de tête, l’aveugle s’est joint à la prière.
Plus haut, les anges colorés veillent la Dame, portant les banderoles. Dans les cieux, quatre anges blancs portent les symboles de la Clarté, le soleil pour le jour, le croissant de lune pour la nuit, …
L’histoire du vitrail : L’événement survenu en 1891 à Guillaume Grall
D’après Anne-Marie Le Mut, histoire recueillie par Jakez Cornou
« C’était la fin du siècle dernier. En ces temps de misère en Bretagne, la terre était rude et un tout petit peuple de mendiants courait les routes et les campagnes en quête de pain et de travail. Pour ces gueux, les « pardons », ces grandes fêtes religieuses autour d’une chapelle dédiée à un Saint ou à la Vierge, constituaient une aubaine. C’était le grand rassemblement de tous riches et pauvres. Et les riches à la bourse bien remplie, distribuaient aux mendiants la somme promise après le vœu.
Chez Guillaume Grall, la terre était généreuse : il avait une ferme florissante, du bétail – vaches et chevaux – et une famille unie. Cependant, depuis quelques temps, il s’était rendu compte que sa vue baissait et, un matin, il se retrouva complètement aveugle. Pour cet homme encore jeune, pour ce père de dix enfants, pour ce chef de domaine, cette infirmité était la pauvreté de sa famille et la mort de ses terres. C’est à lui qu’obéissaient les lourds chevaux de trait, c’est lui qui organisait le travail des valets.
Or, on était en septembre, et Guillaume se souvint que, quelque part au fond du pays bigouden, sur la paroisse de Combrit, il y avait une chapelle où on invoquait Notre-Dame de la Clarté, « Itron Varia ar Sklaerded », et le « pardon » avait toujours lieu le deuxième dimanche de septembre. Une fontaine miraculeuse coulait au creux d’une prairie et, à genoux sur la margelle usée, les aveugles priaient pour leur guérison. Guillaume décida de faire le voyage d’Elliant à Combrit. Il fit atteler son char-à-bancs et, en compagnie de son frère Alain, il partit dans la nuit. Il avait mis son gilet de fête brodé de fleurs jaunes, rouges et bleues, mais pas plus que les étoiles au ciel ces fleurs n’illuminaient la nuit. A l’approche de Combrit, dans l’aube incertaine, sortant de tous les chemins de terre, des carrioles et d’autres chars-à-bancs tirés par les chevaux de travail bien lustrés et bien brossés s’étiraient en une lente procession au milieu des mendiants et des pèlerins à pied. Déjà la cloche de la chapelle, tintement grêle dans le petit matin, sonnait la première messe. Aidé par son frère, Guillaume descendit de la charrette, son infirmité lui ouvrant le passage, il s’avança vers la statue de la vierge :« Itron Varia ar Sklaerded, supplia-t-il, rendez-moi la vue ! Et je vous promets, dès que je rentrerai chez moi, de vendre la première bête que je verrai et de distribuer l’argent aux pauvres… ». Il resta longtemps à genoux, suppliant, psalmodiant au milieu de la fumée des cierges, des vapeurs d’encens et de l’odeur forte de ce peuple fruste et besogneux. Puis, il demande à son frère de le conduire à la fontaine. L’eau fraîche coulait, claire et vive sous un abri de pierres sculptées et décorées comme une chapelle miniature. Il baigna ses yeux malades :« Itron Varia ar Sklaerded, Klevit mouez ho bugale…, Notre-Dame de La Clarté, écoute la voix de tes enfants, Itron Varia… »
Le retour fut silencieux. Guillaume se frottait les yeux quand soudain, il poussa un cri :« Alain ! Alain ! Je vois ! Je vois ! » Les fleurs de son gilet semblaient briller plus que jamais, ainsi que le toit d’ardoises de sa ferme qui apparaissait dans le lointain « Je vois, je vois… ». Il prit les rênes des mains de son frère, fit claquer le fouet, et le cheval gris pressa le pas ; il arrivait près de la première barrière de la grande prairie, quand ils entendirent un hennissement de joie suivi d’un bruit de galop, et une grande jument surgit à la barrière.
« Jeannette ! » C’était sa jument blanche.
En 1976 , réalisation de vitraux plus intimistes
Deux nouveaux projets « la Nativité » et « la Descente de croix » sont commandés à Pauline par l’abbé Joseph Guellec et offerts par la famille Kerrès-Cabon pour la chapelle de La Clarté.
Ce sont des projets plus classiques, concentrés autour des seuls Joseph, Marie et Jésus ainsi que la colombe du Saint-Esprit pour la Nativité.
En 1983, entre poésie et abstraction, Pauline s’émerveille de mots et de couleurs !
Pauline s’investit dans un travail autour des saisons, commandé pour la chapelle de la Clarté. D’inspiration moderne et nouvelle pour l’artiste, ces recherches de couleurs et de formes inspireront à Pauline aussi des mots, des poèmes. L’ensemble est lumineux et poétique.
AUTOMNE
….
Un certain silence tombe avec les feuilles mortes
et les pommes dont cette saison évoque les couleurs :
Rouge-roux-ocre-blond-violet aubergine-raisin
Quelques neutres aussi :
nuages-pluies-ombres fondues
avec les bleus des embellies
….
PRINTEMPS
vue à vol de mouettes,
la campagne est un vitrail de losanges, de carrés, de rectangles, de taches d’ajonc, de fleurs de choux citronnées.
Vert bleuté tendre, grisaille de granit, des arbres sans feuilles. Terre nue qui passe au rose beige. Flaque où le bleu des embellies se reflète.
La mer vire du gris au gros bleu. Les blancs deviennent de l’écume, des nuages de beau temps, des fleurs de cerisiers. Quelques verts des prairies
1985, Dernier vitrail entre ciel et mer
Dernière œuvre de Pauline avec ce vitrail où l’artiste s’est consacrée à un projet moderne, impressionniste et symbolique, autour du thème de la pêche miraculeuse. Pauline commente son travail :
« La démesure entre la petitesse du pêcheur et sa pêche… c’est ça le miracle. (…) La Rose des vents, boussole de l’Esprit et étoile de mer, envoie ses rayons qui se croisent sur les lignes du filet que tirent les mains du pêcheur. »
Cette œuvre est particulière, elle est lumineuse, vivante, un mouvement et un lien se créent entre ciel et mer, nuages et vagues, sur lesquelles voguent des coques simplifiées dont les voiles toisent les cumulus. Oiseaux et poissons aussi s’enchevêtrent au cœur du filet et l’écume déborde de vie.